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Friday 2 September 2011

Pétrole : l’accord secret entre le CNT et la France


Dans une lettre que s’est procurée «Libération», les rebelles promettent d’accorder 35% du brut libyen aux Français.

Par VITTORIO DE FILIPPIS

La morale politique n’a rien à faire avec les affaires. C’est, en substance, ce que répète le gouvernement français depuis le 19 mars, jour du lancement de l’opération militaire contre les troupes du colonel Kadhafi. Paris n’a qu’un seul objectif : «Venir en aide à un peuple en danger de mort […] au nom de la conscience universelle qui ne peut tolérer de tels crimes, déclare Nicolas Sarkozy lors d’un discours à l’Elysée, le 19 mars. Nous le faisons pour protéger la population civile de la folie meurtrière d’un régime qui, en assassinant son propre peuple, a perdu toute légitimité.» N’empêche, les entreprises pétrolières françaises pourraient largement profiter de cette campagne militaire. C’est en tout cas ce qui est écrit noir sur blanc dans un document que Libération s’est procuré. Texte signé par le Conseil national de transition (CNT), autorité de transition créée par les rebelles libyens.


Certes, il était de notoriété publique que les pays les plus engagés auprès des insurgés seraient les mieux considérés par le CNT le jour venu, notamment en nombre de contrats pétroliers sonnants et trébuchants. Mais ce document montre clairement que des engagements chiffrés ont été donnés il y a déjà plusieurs mois.

«Soutien total». Nous sommes le 3 avril. Dix-sept jours se sont écoulés depuis l’adoption de la résolution 1973 au Conseil de sécurité de l’ONU, où la France a joué un rôle déterminant pour venir en aide aux insurgés. Ce 3 avril, le CNT signe donc une lettre (reproduite ci-dessus) dans laquelle il est précisé : «[…] S’agissant de l’accord sur le pétrole passé avec la France en échange de la reconnaissance de notre Conseil, lors du sommet de Londres, comme représentant légitime de la Libye, nous avons délégué le frère Mahmoud [Shammam, ministre en charge des médias au CNT, ndlr] pour signer cet accord attribuant 35% du total du pétrole brut aux Français en échange du soutien total et permanent à notre Conseil.» A qui s’adresse cette missive ? Au cabinet de l’émir du Qatar. Et pour cause, ce pays sert depuis le début du soulèvement d’intermédiaire entre la France et le CNT. Avec copie au secrétaire général de la Ligue arabe, Amr Moussa.

«Rétribution». Cette lettre aurait-elle de quoi accréditer la thèse des islamistes, qui n’ont eu de cesse de répéter que cette guerre n’avait d’autre but que de faire main basse sur les ressources pétrolières du pays, dont les réserves frôlent les 44 milliards de barils, les premières du continent africain ? «Absolument pas, s’emporte Mathieu Guidère, professeur des universités et spécialiste du monde arabe. C’est ignorer la culture libyenne. Ce peuple n’est pas pauvre, il ne tend pas la main, car il a conscience de sa richesse. Pour les membres du CNT, cet accord n’est que la juste rétribution, au sens culturel du terme, du soutien offert par la France et confirmé par le large vote des parlementaires français.» Contacté, le Quai d’Orsay a expliqué qu’il n’avait «pas connaissance d’un tel document». Une chose semble évidente : l’application de cet accord dépendra du nouveau bureau du CNT, élu le 8 août…


http://www.liberation.fr/monde/01012357324-petrole-l-accord-secret-entre-le-cnt-et-la-france



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